23.9.12 : Porteurs d'envol
Je viens de lire la genèse du "Festin Nu" de William Burroughs ("La Luxure nue" par Gérard-Georges Lemaire, dans la revue “Les Épisodes”). Son séjour à Tanger, la drogue, la rédaction progressive de son manuscrit sur plusieurs années, les milliers de pages qu’il accumule sans s’y retrouver, le semblant d’écriture automatique qu’il dit vivre…
Ce qui me marque c’est la présence de ses amis écrivains. Kerouac et Ginsberg qui viennent à Tanger, pour l’aider à s’y retrouver. Ils font à plusieurs reprises un tri dans ses manuscrits, tapent à la machine pour sortir une épreuve lisible, font des pieds et des mains auprès d’éditeurs pour faire publier l’ouvrage… et arriveront à leur fin, non sans mal.
C’est beau, mais je ne peux que me dire que ce n’est plus possible aujourd’hui, ou peut-être déjà hier. J’ai le vif sentiment que l’abnégation n’existe pas, que l’on ne préférerait pas travailler pour quelqu’un d’autre que soi. Que l’envie et la concurrence ont supplanté tout ça. Je ne crois pas à l’entraide professionnelle dans le milieu artistique. Je n’y crois pas et pourtant elle peut exister. Qui aujourd’hui se battrait pour autre chose que se défendre ?
J’ai conscience qu’ils se battaient – Kerouac et Ginsberg – également pour eux, contre la censure qui menaçait leur oeuvre à eux aussi, par exemple. Mais tout de même… il y avait une émulation. Je suis donc impressionné par cette histoire de talent qu’il faut à tout prix faire connaître, de propos subversifs qu’il faut amener au grand jour. De littérature qui s’assimile à une cause dans laquelle on s’oublie, plutôt que d’affiches dans la rue parisienne avec le portrait de l’écrivain pour mieux vendre son roman.