Cette série se consacre à la pauvreté par la représention de sans-abris et de sapins de Noël au rebut.
Depuis quelques années, les sapins de Noël sont souvent vendus avec un sac biodégradable de couleur dorée permettant de le jeter ensuite sans répandre d’aiguilles au sol. Par leur aspect et leur couleur, ces sacs me rappellent les couvertures de survie. La vue des sapins sur les trottoirs parisiens, aux lendemains des fêtes de fin d’année, m’a alors fait penser à des sans-abris emmitouflés dans leurs couvertures.
Leur ressemblance physique m’a posée problème car ces deux entités ne devraient a priori pas être comparables : d’un côté se trouve un être humain, de l’autre un végétal.
La corrélation qu’ils m’évoquaient m’a d’autant plus saisi que ce à quoi renvoie un sujet est le contraire de l’autre. Le sapin symbolise le confort, l’abondance et la famille lorsque le sans-abris matérialise la gêne, le dénuement et la solitude.
Reportant cette association dans mon travail, je traite les deux sujets à l’identique et cherche ainsi à faire réagir et interroger.
J’ai composé des diptyques pour mettre en exergue la ressemblance physique des sujets, les autres dessins présentent de manière isolée un sapin ou un être humain.
Il s’agit de dessins réalisés à la craie sur du papier noir, choisi pour évoquer l’asphalte des rues. Le regard posé ainsi que la façon de travailler sur cette teinte à la valeur “négative” (au sens commun et au sens photographique) se font de manière inverse à la norme. Dans leur conception même ces images pourraient ainsi être le portrait de ce que la société met au rebut.
La craie est le matériau utilisé pour écrire sur le bitume. Si le blanc est la teinte dominante pour traiter ici les êtres humains, j’ai utilisé des couleurs pour les sapins et quelques objets. Il s’agit des couleurs standard des craies utilisées sur les tableaux d’ardoise à l’école (bleu, vert, jaune et rouge). Par la matérialité même de ce matériau, ces couleurs ont peu d’intensité. Cette contrainte fait écho au sujet abordé : une gamme de couleur précaire pour traiter de la précarité.
“La Parade des humbles”, l’exposition rétrospective de Fernand Pelez au Petit Palais en 2010 a été le déclencheur de ce travail. La représentation de la misère du XIXème siècle m’a semblé inchangée et j’ai souhaité témoigner de la pauvreté d’aujourd’hui, avec un autre language visuel.