19.1.13 : Petit matin
Il est tôt encore quand je quitte ma rue, dans la nuit. Samedi, et la ville n'est pas toute réveillée, les travailleurs de la semaine dorment. Seuls restent les travailleurs de tous les jours. Et pour une fois je les vois. Toujours sur mon vélo comme derrière une caméra en travelling avant. Je travel le long de Paris. Vois les boulangeries qui ouvrent juste, qui n'ont pas encore vendu leur pain.
Plus loin, comme la circulation est faible, un éboueur balaye en plein milieu de
la route, de la musique dans les oreilles, son fil de casque blanc sur son uniforme vert et jaune réfléchissant, sur fond de nuit.
Les sans-abris de la Bastille ne sont pas sortis de leurs tentes Quechua, ne trône que leur sapin décoré.
Rue Saint Antoine, là aussi, une vieille femme me regarde derrière ses couvertures,
sacs et cartons, elle a dormi sur le pas de la porte de Maje, boutique qui a récemment remplacé la librairie Charlemagne.
À moins de 20 mètres, des jeunes gens très chics prennent le petit déjeuner en
terrasse chauffée.
Paris, le monde. ("Marcher dans les rues et attendre qu'il fasse un peu plus jour, qu'il fasse un peu plus chaud, ou qu'il fasse un peu d'amour." dit Taxi Girl dans sa chanson "Paris").
Je continue, je vais comme ça à l'autre bout du monde.
Les marchés se préparent, les poissons sont étalés et frais, les clémentines
rougeoient dans la nuit, les tabliers bleus sont comme des uniformes du lever du
jour.
Les commis de café s'activent, font chauffer quelques omelettes.
Des petits vieux à béret et imperméable, des petites vieilles à jupon et canne
marchent lentement sur le trottoir, ils sont là comme on ressort une légion d'honneur, comme on ouvre les Mémoires de de Gaulle ou un livre d'histoire sur
la deuxième guerre mondiale.
Au fond, le monde que je vois là c'est celui des années 70, où les Halles existaient encore, avant de se faire remplacer par la culture de l'art contemporain. Le monde des tripots de 7 h du matin.
Le jour se lève. Des jeunes sortent de boîte, la bière à la main, la silhouette étudiée. Le monsieur longiligne sort le toutou longiligne, l'ipod dans les orifices... Dès qu'il y a un peu de lumière il y a un peu de laideur, car on commence à tout voir.
C'est de plus en plus décevant, les gens de la semaine commencent à sortir acheter leur pain, le meanstream réapparaît. Je grille juste les feux à vélo, seul avantage de cette heure encore matinale.
Je monte à mon atelier. Mon voisin écoute la radio, il est déjà levé, comme un
jour de semaine.